Sélection mythologique
Ceux qui ont lu ce texte en s'attendant à y retrouver
un succédané d'histoires colorées, exotiques, à
propos du panthéon hindou, auront été déçus.
Mais il existe déjà de nombreux ouvrages sur le sujet et si
vous avez du temps libre je ne saurais que vous conseiller la lecture du
Raamayana et du Mahaabhaarata. Certes la lecture est en peu longue, 24000
shloka et près de 100000 respectivement, mais l'on se réjouit
même des répétitions et de la multitude d'anecdotes,
avec toute une morale, parfois non dite. Je ne rapporterai que quelques
unes des légendes contées dans ces 2 œuvres et les 18 principaux
Purana. Honneur aux Dames. Elles sont souvent discrètes, en bonnes
épouses hindoues, mais jouent un rôle essentiel et font l'objet
d'une grande dévotion (Diwali et Durga festival- sans parler de Holi,
qui est aussi la fête de Radha). Sarasvati, la moitié de Lord
Brahma, ne fait jamais parlé d'elle, sans doute parce qu'elle est
la Déesse de la Sagesse et que le silence est d'or. On sait juste
d'elle qu'elle se matérialise sous la forme d'une rivière
mythique, que vous ne trouverez même pas sur la carte du Bhaaratvarsha
(continent indien). Invisible, elle retrouve ses cousines Yamuna et Ganga
à Allahabad (le lieu exact est Sangam signifiant confluence, communion).
Ganga (Ganges en français) est plus célèbre. Après
avoir irrigué les cieux de ses eaux pures, elle s'écoule sur
la terre au travers de la dense chevelure de Lord Shiva, pour épargner
la terre et ses habitants des ses flots tumultueux. Un film de Booliwood
raconte une jolie parabole sur cette jeune fille, née dans l'Himalaya,
qui finit dans un lupanar de Calcutta après avoir lavé les
péchés de millions d'Hindustani (Ram Teri Ganga Maili). Venons
en à Lakshmi, l'épouse dévouée de Vishnu, déesse
de la prospérité, de la lumière, de la fertilité,
la beauté en j'en passe. En tant que mère, déesse de
la fertilité elle est connue sous le nom de Shakti. Lorsque les dieux
et démons se réunirent pour baratter l'océan de lait
dans leur désir de fabriquer l'élixir d'immortalité
(puisque eux aussi sont mortels), le résultat de leur travail fut
tout d'abord la production d'un poison innommable que Lord Shiva se fera
le devoir de boire pour épargner l'ensemble des êtres vivants.
Puis ils obtinrent outre l'élixir un certains ombre de créatures
merveilleuses. La première d'une très grande beauté
était Lakshmi, que Vishnu s'octroya, à tout seigneur tout
honneur. Elle séjourne le plus souvent sur le sein de son seigneur
et maître dans le Shrivatsa. Lakhsmi ne manque jamais de se réincarner
chaque fois que Vishnu prend forme humaine, en tant que Sita compagne de
Lord Raama puis de Radha amoureuse de Lord Krishna. La compagne de Lord
Shiva joue un rôle beaucoup plus actif dans la cosmologie et les mythes.
Elle est la Nature, la Mère (et est elle aussi souvent assimilée
à la déesse Shakti, plus ancienne et vénérée
à l'origine dans une autre partie du continent). Elle apparaît
dans les écritures tout d'abord sous le nom d'Uma, fille de Daksa
(un des fils de Brahma). Désavouée par son père pour
avoir épousé un dieu morbide qui s'habille de peaux de bêtes,
s'orne de serpents et s'entoure de fantômes et autres créatures
bizarres, elle s'immole. Non pas dans le bûcher funéraire de
son époux comme il a été d'usage pendant une période
décadente (18-19eme siècles) mais dans le feu du sacrifice
offert par son père au Tout Puissant. Inconsolable, Shiva se consacre
à la méditation pendant quelques Kalpa. Les dieux décident
de le remarier parce qu'une prophétie dit que seul son fils pourra
sauver l'Univers d'une catastrophe mais, lorsqu'ils vont le supplier, il
ne veut rien savoir. L'attachement à une femme est dit il une servitude
dont l'homme n'a aucun moyen de se soustraire. Demandez moi plutôt
d'aller encore vaincre quelques démons ou de reboire le poison que
vous avez fabriqué à partir de l'océan de lait. Cependant,
Parvati, fille d'Himalaya est créée pour le séduire
et s'y emploie par tous les moyens, venant le perturber tous les matins
dans ses méditations en jurant qu'elle ne le dérangera pas.
Il reste impassible. Alors ils lui envoient le dieu de l'amour, Kaama, pour
le taquiner de ses flèches parfumées etc.. Shiva, furieux
le foudroie du "laser" de son troisième œil situé
au milieu du front (dont le tika ou tilaka est une réminiscence).
Finalement tout finit par un mariage mais qui ne produit pas d'enfant. Shiva
en concevra un de la chute de son sperme sur la Terre (Kaartikeya, qui sauvera
effectivement l'Univers du servage imposé par un autre démon)
et Parvati des pellicules de sa peau (Ganesha). Que cela signifie t'il,
je ne sais.
Lord Vishnu, que je qualifierai du "milieu" dans la trilogie temporelle
début-milieu-fin souvent citée pour l'œuvre créatrice
du Tout Puissant, est d'essence sattvique. Il assure la survie de l'Univers,
le maintien des valeurs morales, et est considéré par beaucoup
comme la personnalisation tangible du Tout Puissant, Bhagvan, dont la forme
impalpable est l' Aatman. Pour revenir brièvement aux les liens qui
unissent la Trimurti dans la mythologie, c'est du nombril de Vishnu que
jailli le lotus qui porte Brahma et Brahma conçoit ensuite Shiva
à partir de son front. Vishnu s'incarne chaque fois que son dharma
le nécessite, sous la forme d'un demi-dieu, un sage, divers animaux
mythiques et pour ce qui nous intéresse deux fois sous forme humaine
(une troisième est à venir). Raama, qui fait l'objet d'une
profonde dévotion, est le symbole même de la Droiture, la Vérité
et le respect des rituels. Il se matérialise pour débarrasser
la terre des démons qui se sont multiplié et surtout de leur
maître Ravana, qui est devenu si puissant qu'il terrorise même
les dieux. La preuve tangible en est que son fils s'appelle Indrajit (vainqueur
de Indra). Le personnage de Ravana requiert un commentaire un peu plus approfondi
que de le décrire comme un ogre et un tyran. C'est par ailleurs un
sage, auquel Brahma a accordé un don, conformément à
sa fâcheuse tendance à proposer de faire un vœux, souvent
à des individus peu recommandables. Ce qui rend Ravana démoniaque,
au même titre que Satan, c'est surtout son grand orgueil, qui bien
sûr le perdra. Raama a 3 frères, tous d'essence divine, fils
de trois mères différentes et dont le père officiel,
Dashratha, est roi d'Ayodia. L'un de ces frères, s'appelant Lakshman,
joue un rôle privilégié dans l'histoire par la manifestation
constante de sa dévotion à Raama. Succinctement, suite à
une promesse malheureuse de Dashratha à sa seconde femme, Raama doit
s'exiler pendant 14 ans pour laisser le trône à son frère
Bhaarata. Il erre dans la forêt, accompagné de sa femme Sita
et de son frère Lakhman pendant 13 ans et fait la rencontre de nombreux
sages et quelques démons. Ayant mutilé la sœur de Ravana
et tué quelques uns de ses proches, il s'attire l'ire du roi des
démons. Ajoutez à cela que Ravana est séduit par la
grande beauté de Sita. L'affliction de Raama lorsque Ravana réussit
à enlever son épouse pour l'emporter dans Lanka, son royaume,
donne lieu à de beaux vers d'un grand lyrisme. Il part à sa
recherche et fait la rencontre de la tribu des singes, dont fait partie
Hanuman fils semi-divin de Vayu le dieu des vents. Le fait que Raama décide
de demander l'appui des singes plutôt que de faire appel à
son frère et aux nombreux rois du Bharatvarsha qui lui auraient tous
accordé son aide me semble très symbolique. Il est parfois
un peu méprisant envers les singes, les traitant de sous-humains,
mais se fait des amis de leur roi Sudriva et de Hanuman. C'est eux qu'il
décide de mettre à l'épreuve parce que le but de son
incarnation est peut être en fait de tester la dévotion de
Ses créatures les plus humbles. Dévoués ils le sont
à celui qu'ils reconnaisse comme une incarnation de Dieu, ainsi que
quelques roi des vautours et autres que j'oublie. Hanuman surtout, toujours
sur la brèche pour se rendre utile. Vous comprendrez maintenant peut
être mieux pourquoi un singe a son effigie dans de nombreux temples.
Tout finit bien comme dans un conte de fée, sauf.. que Sita est mise
à l'épreuve 2 fois pour avoir séjourné dans
le logis d'un autre que son mari. Cela parait cruel et bien machiste, mais,
en tant que roi, Raama se doit d'être exemplaire, incritiquable, même
si il sait que rien n'est fondé, car un quelconque de ses sujet est
en droit de lui demander des comptes.
Les objectifs de Vishnu lors de son incarnation sous la forme de Lord Krishna
sont également complexes. Le Mahaabhaarat et le Bhaagvata Puraana
(consacré en grande partie aux hauts faits de Visnu lors de ses 9
incarnations et à Krishna en particulier dans le Skandha 10) nous
rapportent qu'officiellement il s'incarne pour libérer la société
humaine des kshatrya qui ont oublié leur dharma. Ils sont devenus
avides de pouvoir, retors, manquent de respect aux anciens (à Bhisma
leur grand oncle en particulier, aux femmes (à Draupadi, femme des
5 Pandava). Il ira jusqu'à programmer l'anéantissement du
propre clan ou il s'est incarné et son propre assassinat. Mais c'est
aussi une incarnation de l'amour de la vie et de ses créatures. Il
apparaît souvent dans l'iconographie sous sa forme infantile, chérubin
bleuté qui joue dans les prés avec les gardiennes de vaches
(gopi) et dès son très jeune âge il en lutine quelques
unes. Les grands mères racontent à leurs petits enfants comment,
grand gourmand, il volait du beurre à sa mère. Il aime jouer
de la flute, danser avec les gopis et jouer Holi, la fête du printemps.
Le nombre de ses conquêtes féminines est incalculable. On lui
rapporte dans le Bhagvata Purana 1600 femmes et 10 fois plus d'enfants mâles.
Allez savoir pourquoi l'Inde est surpeuplée! Mes amis, un peu prudes,
le nieront, disant qu'il n'aimait que Radha. Mais pourquoi Dieu n'aimerait
il qu'une seule femme? Je ne raconterai pas tous ses miracles, le plus touchant
étant de soulever une montagne (Govardhana) pour s'en servir de parapluie
afin d' abriter ses disciples de la foudre et du déluge envoyé
par le dieu Indra. Tout le monde aime Krshna. Et pourtant il sait se montrer
aussi trompeur, inventant un affreux mensonge pour désespérer
Drona dans la bataille de Kurukshetra où tous ces héros doivent
trouver la mort. Peut être pour rappeler ce qu'il dit dans le Gita:
je suis aussi le meilleur des joueurs (et si vous voulez parier avec moi
vous avez perdu d'avance- Bh.G.10-36).
Un mythe qui revient souvent dans les Purana est celui du pouvoir conféré
par la pénitence, ce qui laisse à supposer que certains dévots
ne recherchent en fait que le pouvoir. On entend souvent parler d'un démon
ou d'un sage ascète (sannyasin) se retirant dans la forêt pour
y méditer pendant des milliers d'années en se nourrissant
uniquement d'herbes et de baies, puis d'eau un jour sur deux et enfin d'air
un jour de temps en temps. Alors les dieux s'alarment du pouvoir qu'il va
acquérir par cette longue pénitence (exceptés Vishnu
et Shiva qui s'en réjouissent) et demandent généralement
à Lord Brahma d'aller lui accorder un vœux. Ils ne savent pas ce
qu'ils font car lorsque le pénitent n'a pas le cœur parfaitement
pur, catastrophe, il demande souvent de devenir immortel. Cela ne se pouvant
puisque même les dieux sont amenés à mourir un jour,
Brahma lui accorde de devenir invincible sauf dans des circonstances bien
précises, que Lord Vishnu devra mettre à profit grâce
à son grand pouvoir d'imagination (Maya). Notons au passage que le
mot Maya prête à de nombreuses traductions: maîtrise
de l'ordre cosmique, pouvoir de création/miracles, Sa magie qui nous
fait percevoir notre existence matérielle comme la seule réalité,
nous voilant notre double nature. Ainsi Ravana ne peut être mis à
mort ni par un dieu ni par une autre créature mythique ou force de
la nature, ce qui nécessite que Vishnu s'incarne en homme. La vanité
de Ravana ne lui avait pas permis de concevoir qu'il puisse être tué
par une de ces créatures inférieures et il se rie de Raama.
On rapporte que Indra est devenu le chef des dieux parce qu'il aurait offert
100 sacrifices du cheval (sacrifice compliqué) au Tout Puissant.
L'écrit laisse toujours planer un doute quant à l'authenticité
de ces fameux sacrifices. Serait il un usurpateur? Le personnage est peu
sympathique. Imbu de lui même, son insigne est le paon, et je n'ai
pas connaissance d'une seule circonstance où il ait fait preuve d'altruisme.
Il est cependant indispensable puisqu'il préside entre autres à
la pluie. Lorsque le pénitent qui a mérité un vœux
est un vrai sage, il fait souvent celui de pouvoir se prosterner aux pieds
de Dieu (Trishanku, Vishvaamitra...) mais on ne lui accorde bien souvent
qu'un séjour au paradis de Brahma ou Vishnu. Shiva, plus indulgent,
accorde volontiers la liberté à l'âme. Pourquoi? Krishna
répondrait dans le Gita qu'il n'a somme toute pas été
assez humble et ne s'en est pas simplement remis à lui. L' auto-flagellation
de certains pénitents, voir dans certains cas la mutilation, a une
arrière pensée: celle du pouvoir. On trouve des exemples similaires
dans la mythologie chrétienne.
Il n'existe pas de personnage franchement odieux dans la mythologie hindoue.
Même Ravana ou Hiranyashasipu (autre démon) font un peu pitié.
Certains démons aux pouvoirs tyranniques sont d'ailleurs des réincarnations
de demi dieux suite à une malédiction d'un sage. Le personnage
le plus antipathique est sans doute Narada, autre fils de Brahma, bien qu'il
soit un grand sage, parce qu'il se complait à semer la discorde par
ses commérages.