Le moyen de réaliser notre vraie nature:
Il n'existe pas un dogme établi, et chacun se doit
de garder les fenêtres de son esprit ouvertes sur d'autres voies de
communion avec Dieu. Celle du Christianisme peut en être une. Selon
le Bhaagvad Gitaa (qui constitue ma base principale de réflexion),
la recherche de la purification de son esprit pour établir une relation
permanente avec l'Esprit Suprême, Dieu, est la vraie définition
du Yoga. Certains gurus le comparent à une échelle montant
de la condition matérielle vers la réalisation de notre vraie
nature spirituelle. Ils la divisent en 6, 8 ou même plus d'échelons.
L'échelon du bas est la purification de son corps par le contrôle
de sa respiration, la pratique de postures, d'exercices physiques. Suit
le contrôle de ses sens, des activités mentales perturbatrices
sans lequel on ne saurait entrer en méditation. Ensuite viennent
le janaana yoga (connaissance) le dhyaana yoga (méditation proprement
dite) et la bhakti yoga (canalisation des émotions dans un dévouement
total à Dieu). Mais qu'est devenu le dharma dans tout cela? De nombreux
hindous, surtout les jeunes, vous diront que le temps de la méditation
vient au cours du troisième âge de l'existence, après
celui de l'apprentissage de la vie (brahmachari), puis de maître de
maison (grihasta) accomplissant son devoir familial et social. Idéalement
au cours du troisième âge (vanaprasta) l'homme se retire des
activités sociales pour méditer. Enfin vient l'âge du
renoncement (sannyasi). J'y objecterai qu'il est sans doute plus sage d'apprendre
à vivre avant de se lancer dans l'existence pour réfléchir
ensuite. Le but ultime étant un dévouement total à
Dieu, n'est il pas plus "raisonnable" d'apprendre progressivement
à réaliser cette vérité qui me semble essentielle
et le pilier même de la foi hindoue:
yo maam pashyati sarvatra
sarvam ca mayi pashyati
tasyaham na pranashyami
sa ca me na pranasyati
(Bh.6-30): Pour celui qui me voit partout et toute chose
en moi, Je ne suis jamais perdu ni ne le perdrais.
La première partie du shloka est facile à comprendre. La prise
de conscience de Dieu consiste à reconnaître sa présence
en chacune de ses œuvres, des miracles de la Nature, en chaque être
vivant et notamment en chaque être humain, y compris celui qui vous
est antipathique. Cette ligne de conduite peut sembler à certains
difficile mais en même temps n'est ce pas le secret du bonheur. Lorsque
son adepte réalise la présence de Dieu partout autour de lui,
il peut naviguer en toute sérénité dans la vie avec
une référence constante en son cœur. Un ami, un père
ou qui bon vous semblera, avec lequel il peut dialoguer à chaque
instant et le guidant dans ses actes. "Me na pranashyami" peut
être interprété dans le sens chrétien (musulman)
de celui là ne peut s'égarer ou bien d e il m'est cher et
je prendrai grand soin de lui. Les deux sont vrais dans l'esprit du Gitaa.
Enchaînons sur cette très belle pensée avec un autre
vers lyrique du même Gitaa à propos de la dévotion (bhakti):
patram pushpam phalam toyam
yo me bhaktyaa prayacchati
tad aham bhakty-upahrtam
ashnaami prayataatmanah
(Bh.G 9-26): ce qui veut dire: quiconque m'offre avec amour
et dévotion une feuille, une fleur, un fruit ou un peu d'eau, j'accepte
son don (fait) en pleine conscience.
Il vient d'être dit qu'il fallait développer
progressivement une impartialité dans la considération des
êtres vivants qui nous entourent. Cette notion va de paire avec le
renoncement à l'ahamkara et avec tout ce qui s'y rattache, dont l'attachement
à des personnes particulières. Dieu se doit d'être parfaitement
impartial, sans quoi lui même souffrirait de cas de conscience en
permanence si je peux me permettre :
samo ham sarva-bhuteshu
na me dvshyo shti na priyah
ye bhajanti tu mam bhaktiyaa
mayi te teshu caapy aham
(Bh.G.9-29): Je suis également disposé envers
tous les êtres vivants. Ils ne me sont ni chers ni détestables.
Mais celui qui me sert avec dévotion est en moi et sois sûr
que je suis en lui.
Quelle que soit l'étape de la vie à laquelle
on se trouve, que l'on ait choisi de se consacrer principalement à
la méditation ou accepté de prendre le risque d'agir pour
donner satisfaction à Dieu par la jouissance de ses bienfaits et
par sa conduite, il est essentiel d'apprendre le détachement. Jouir
avec détachement est impossible en cela que l'esprit est assujetti
aux sens dans l'expérience du plaisir. De même que la division
de la vie en étapes au cours desquelles on apprend à marcher
puis se dépense pleinement pour ensuite se remémorer sereinement
cette belle journée et se consacrer à des activités
plus spirituelles, il faut apprendre à goûter le plaisir, croître
et multiplier, prendre soin de sa famille,... sans en devenir dépendant
comme d'une drogue:
Sangat sanjaayate kama, kamat krodho bhijaayate
Est il besoin de rappeler que si notre raison (mana) et
notre intelligence (buddhi) constituent deux outils indispensables à
la compréhension de notre vraie nature, ils peuvent être dévoyés
dans la recherche constante de l'assouvissement du plaisir ou de notre soif
de pouvoir (cf. entre autre le shloka 3-40 ci dessus). Insatiables si l'on
n'y prend garde. Le détachement ne constitue pas uniquement une condition
sine qua non pour s'affranchir de la misère qui résulte de
leur perte (du plaisir et de la puissance) ou de l'incapacité de
les réaliser. Il est avant tout nécessaire pour être
prêt à en apprendre plus sur notre vraie nature. Ce détachement
doit être pratiqué non seulement dans l'expérience des
sens mais aussi dans l'accomplissement de son devoir. Agir sans se préoccuper
du résultat c'est atteindre l'équilibre de l'intelligence
(buddhi yoga), l'impartialité. C'est aussi accomplir une tache qui
nous est prescrite par notre nature humaine ou plus prosaïquement par
notre position sociale, en nous en remettant à Lui pour guider notre
main. Cette tache écrite dans notre karma (svadharma ou dharma propre
à l'individu), dusse t'elle être ingrate, nous est recommandée
ainsi dans le Gitaa par Krishna s'adressant à Arjun (qui se pose
des problèmes de conscience au moment de combattre ses cousins):
sukha-duhke same krtvaa
laabhaalaabhau jayaajayau
tato yuddhaaya yujyasva
naivam paapam avaapsyasi
(Bh.2-38): bats toi pour le principe de combattre, sans tenir compte du bonheur ou de l'affliction, de la perte ou du bénéfice, de la victoire ou de la défaite. En agissant ainsi tu n'encours aucun péché (sous entendu parce que Je suis l'acteur qui tuerai par ta main et j'ai déjà décidé leur mort).
Vous pourriez préférer retenir cet autre shloka à propos du même sujet:
brahmany aadhaaya karmaani
sangam tyaktvaa karoti yah
lipyate na sa paapena
padma-patram ivaambhasaa
(Bh.5-10): celui qui accomplit sa tâche sans attachement,
en remettant le résultat au Tout Puissant, n'est pas affecté
par le péché, de même que la feuille de lotus est imperméable
à l'eau.
Ou encore à propos de l'activité impartiale (equipoised- équilibrée)
introduisant une autre définition du yoga:
yoga-sthah kuru karmaani
sangam tyaktvaa dhananjaya
siddhy-assiddhyoh samo bhutvaa
samatvam yoga ucyate
(Bh.2-48): accomplis ta tâche avec impartialité,
abandonnant tout attachement à son succès ou à sa faillite.
Cette sérénité est appelée yoga.
Le parfait dévot peut se décrire ainsi:
adveshta sarva bhutaanaam
maitrah karuna eva ca
nirmamo nirahankaarah
sama-duhkha-suhah kshami|
santushtah satatam yogi
yataatma drdha-nishcayah
mayy arpita-mano-buddhir
yo mad-bhaktah sa me priyah
(Bh.G. 12-13,14): non envieux du sort de toute créature, mais amical et bienveillant, détaché de toute propriété et de tout faux ego, égal à lui même dans le plaisir et la souffrance, indulgent, toujours satisfait, contrôlant parfaitement son self, engagé dans la dévotion avec détermination avec toute s raison et son intelligence focalisées sur Moi, ce dévot m'est très cher (priya est le terme utilisé pour l'amour envers son conjoint et ses enfants).
Le contrôle du self a été défini
précédemment à partir d'un passage du Mahaabharat.
Certaines exigences de Dieu énoncées dans le shloka suivant
semblent difficiles à assumer
samah shatrau ca mitre ca
tathaa maanaapamaanayoh
shitoshna-sukha-dukheshu
sumah sanga-vivarjitah|
tulyua-nindaa-stutir mauni
santushto yena kenacit
aniketah sthira-matir
bhaktiman me proyo-narah
(Bh.G.12-18,19): Également disposé envers son ennemi ou son ami, indifférent ("equipoised") à l'honneur et au déshonneur, au chaud et au froid, au bonheur et à l'affliction, libre de toute association| serein quelle que soit sa réputation, silencieux et satisfait, sans résidence, engagé dans la dévotion avec détermination, celui là m'est très cher.
Investie pendant un certain temps d'une enveloppe charnelle pour jouir de la création de Dieu, notre âme doit apprendre à s'en affranchir par le détachement et la méditation pour retrouver sa vraie nature. Si elle n'y parvient elle n'est pas prête à la libération consistant en une communion totale avec Dieu et subira le sort qu'elle a elle même choisi: la renaissance sous une forme correspondant à ses aspirations.